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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Tout P’tit toussait toujours. Il se reposait dans son étroite cellule éclairée par une demi-fenêtre, dans laquelle le soleil pénétrait pendant une demi-heure, le matin.

Alors, un jour, son ménage terminé, Mme Prouvé s’en alla avec son fils consulter un médecin. C’était un homme de soixante ans environ, à la tête ronde avec des yeux bleus pâles et une moustache grise. Très simple et brave homme.

En apercevant ce grand corps sans ressorts, cette figure grise à force d’être pâle, et maigre, décharné, le diagnostic du médecin se trouva fait.

— Il est pas fort, docteur, pis il tousse, déclara la mère. Il a toujours été faible et avec ça, pas d’appétit.

— Je vais l’examiner, fit le praticien.

— Ce qu’il lui faudrait, déclara-t-il après l’avoir ausculté, après avoir écouté son souffle, après l’avoir fait respirer fortement, ce serait d’aller passer quelque temps dans les Laurentides. C’est l’air des montagnes qu’il lui faut à ce garçon, puis un régime fortifiant, des viandes saignantes. Je vais prescrire un tonique, mais c’est un séjour à Sainte Agathe ou dans les environs qui lui fera le plus de bien.

En retournant, ils achetèrent le tonique, un remède français.

— Pis, qu’est’ce que t’en penses d’aller dans les montagnes ? demanda la mère d’un ton ironique.

Mais Tout P’tit était démoralisé, l’âme en détresse et très faible. Les montagnes ? À quoi bon ? Pourquoi s’en aller au loin ? Tout ce qu’il voulait Tout P’tit, c’était d’être tranquille et, comme un chien blessé, lécher sa plaie en silence, dans un coin. Il retourna dans son étroite petite chambre où le soleil lui disait un bref bonjour le matin puis disparaissait. Maintenant, il avait de fortes