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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

maison, c’est-à-dire, l’été assis sur la dernière marche de l’escalier et l’hiver, chez sa grand’mère. À sept ans, bien qu’il eût encore l’apparence d’un avorton, sa mère l’envoya au Jardin de l’Enfance pour apprendre ses lettres. Il n’était pas malade Tout P’tit, mais il ne riait jamais, il n’avait jamais l’envie de jouer et il paraissait toujours fatigué. Deux ans, il fréquenta l’école des sœurs. Il grandissait un peu, mais très lentement.

À neuf ans, il commença à aller au collège. Il n’était pas intelligent. Il avait l’esprit paresseux, il avait de la difficulté à apprendre, il était toujours le dernier et la classe l’ennuyait.

Les années passaient. La mère Prouvé balayait, époussetait, frottait, et il n’y avait jamais un grain de poussière dans sa maison.

Au collège, Tout P’tit ne faisait aucun progrès. Lors de sa quatorzième année, le frère Alain, son professeur, décida de le sortir de sa torpeur, de secouer son intelligence. Il le gardait après la classe pour lui donner des explications particulières. Tout P’tit retournait à la maison bien fatigué, morne, les yeux battus…

Il paraissait maintenant plus hébété. Il ne put terminer l’année scolaire. Deux mois avant les examens, il cessa d’aller au collège.

Il retardait extrêmement. Il ne poussait pas.

À l’automne, il reprit ses livres et son sac d’écolier.

À seize ans, brusquement, il se mit à grandir, mais à grandir d’une façon exagérée, comme pour reprendre le temps perdu. En douze mois, il se développa plus qu’auparavant en trois ans. Il refusa de retourner au collège. Il ne voulait pas finir son cours. Son père l’amena dans sa petite boutique, dans une ruelle noire, et tenta de l’initier