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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

cheveux blancs, enveloppée de son misérable manteau marron, descendit les derniers degrés de l’escalier et s’éloigna sur la route où le vent qui emportait la neige en tourbillons secouait aussi cette loque humaine.

Parce que son cœur débordait de souffrance et de désespoir, la passante avait raconté sa détresse à un étranger, puis elle était repartie.

Quant à Rabotte, après avoir écouté les doléances de la pauvresse, il entra au bureau de secours, retira son chèque hebdomadaire et retourna à la maison. Il venait à peine d’entrer chez lui, qu’on sonna à sa porte. C’était Aurélier.

— Écoutez, monsieur Rabotte, fit’il d’un ton grave, j’ai absolument besoin d’argent. Je vous ai attendu aussi longtemps que j’ai pu, je vous ai gardé sans vous ennuyer. Vous me devez plus de dix mois de loyer et maintenant, j’ai des paiements à faire et il me faut de l’argent.

— De l’argent ! de l’argent ! s’exclama Rabotte d’un ton étonné. Mais où voulez-vous que j’en prenne de l’argent ? Je retire juste assez pour ne pas crever de faim.

Puis il tira une longue bouffée de sa cigarette et, en gonflant les joues, rejeta la fumée à la figure d’Aurélier, devant lui.

Alors, ce dernier sortit et, d’un pas lourd, redescendit l’escalier.

Rabotte dormit une partie de l’après-midi. Vers les six heures, alors qu’il allait se mettre à table pour souper, il entendit des cris aigus, de perçants cris de femme. Puis, presqu’aussitôt, l’on sonna violemment à sa porte. Il alla ouvrir.

— Venez vite, mon mari est mort !