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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Ensuite, penché sur la malade, il l’ausculta, écoutant le faible battement de son cœur.

Zéphirine revenait avec la sacoche. Il l’ouvrit, prit un étui noir dont il tira une longue aiguille. Relevant la manche de la « jaquette » de la malade, il mit à nu un bras décharné, à la peau flasque, flétrie. Alors, le docteur Casimir enfonça son aiguille dans cet épiderme cadavérique. Il essuya ensuite la pointe d’acier, la remit dans son étui, repassa dans la cuisine, alluma sa pipe d’écume de mer et se mit à fumer en silence.

— Et ton père, où est-il ? demanda-t-il après un certain temps.

— Au village.

— Passe-moi les remèdes que j’ai laissés, fit-il à la fille. Il en versa une cuillerée qu’il fit ingurgiter à la malade qui le regarda un moment de ses yeux sans expression et se mit à grogner des paroles inintelligibles.

— Tu vois, l’injection que je lui ai faite tout à l’heure, l’a secouée un peu. Elle avait l’air d’une morte quand je suis arrivé. Maintenant, fais lui prendre ses remèdes toutes les trois heures, comme je te l’avais dit. Comme ça, si elle meurt, ce ne sera pas de ta faute.

Et le docteur Casimir remit son manteau de chat sauvage, son casque de loutre et sortit.

Deux heures plus tard, Délima et son père revenaient du village.

— Bon, j’ai acheté ane robe noire et des souliers, annonça la fille en ouvrant une longue boite. J’ai payé trois piasses pour la robe dit-elle en dépliant le vêtement qu’elle tint un moment devant elle les bras tendus, pour le faire voir à sa sœur. Les souliers coûtent ane piasse et quart.