Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

des années : se faire élire député. Il alla voir des amis et des hommes publics en vue. Et ils vinrent le voir à leur tour. Il les reçut à sa table et Mme  Demesse se montra charmante pour eux. Il y eut des assemblées publiques. Le docteur faisait des discours et il était fort applaudi. On recevait beaucoup de monde à la maison. Mme  Demesse se montrait très aimable. Le candidat adversaire était un avocat qui avait de sales histoires à son actif. L’on raconta les histoires. Les électeurs ne furent pas édifiés et le Dr  Demesse fut élu par une forte majorité. Ce fut un beau jour pour le docteur et sa femme. Ils étaient très enthousiastes, très glorieux.

— Écoute, ma belle, dit le nouveau député le soir à sa femme, au moment de se coucher, aussitôt que la session sera terminée, nous irons faire un voyage en Europe.

Elle se sentit très heureuse. C’était là une chose à laquelle elle n’osait même jamais penser autrefois. Ah, la vie était belle depuis qu’elle était sortie de la pension de sa mère !

Les séances du parlement se prolongèrent pendant quatre mois. Ce fut une attente délicieuse pour Mme  Demesse. Le docteur eut l’occasion de prononcer deux éloquents discours que les journaux reproduisirent en les commentant de chaleureux éloges. Pendant ce temps, sa femme pensait au voyage. Le problème était la petite Laurette qui avait maintenant deux ans. Un moment, Mme  Demesse avait songé à la confier à sa mère pour la durée du voyage, mais après réflexion, elle avait reconnu que la chose était impraticable. Sa mère ne pouvait s’occuper de l’enfant et de sa pension. Elle était trop accaparée. Restait sa sœur Adèle. Elle l’avait négligée, mais elle ne pouvait s’adresser à personne autre. Pendant des jours elle rumina