Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

œuvres. Maintenant que Léo Destrier était disparu, Adrien Clamer voulait avoir quelques souvenirs de lui. Il s’adressa à Alice qui lui céda volontiers une couple d’études dans lesquelles le peintre avait mis la mesure de son talent. Ce fut pour elle une belle occasion de causer du mort. Elle en parlait maintenant sans amertume, évoquant leurs beaux jours, les trois années qu’ils avaient vécues ensemble.

— Tenez, voici un petit portrait de moi qu’il a fait. Il regardait la toile et puis le modèle. C’était vraiment une séduisante image de la femme qui était devant lui.

— Un autre encore qu’il a brossé un matin, en moins d’une demi-heure.

C’était une troublante étude de nu.

— C’était à cette petite table qu’il écrivait ses lettres.

Et elle montrait la table en chêne avec sa lampe électrique à abat-jour vert.

— Ici, il se reposait.

Elle indiquait un large divan et s’y asseyait, souriante, au milieu des coussins.

— Il ne pouvait se reposer seul. Il fallait que je sois avec lui. Un enfant, vous savez.

Elle souriait, assise sur le divan. L’une de ses mains glissait doucement sur le velours du meuble, comme elle aurait glissé sur le pelage d’un chat, sur un torse d’homme. Ses grands yeux bruns étaient caressants et ses lèvres rouges fort troublantes.

Elle lui montrait le buste en marbre.

— Tenez, chaque matin en me levant et chaque soir en me couchant, je l’embrasse sur la bouche. C’est ma manière de faire ma prière.

Adrien Clamer devinait la pensée de cette femme, ses intentions, mais il était intéressé ailleurs. En plus, il