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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

son ami elle se levait et allait déposer un baiser sur les lèvres de marbre qu’illuminait le soleil levant.

Des jours et des mois passèrent. Le peintre travaillait ferme. Il profitait de son enthousiasme. Avec son amie, il alla un été à Saint-Eustache, le Barbizon canadien, et exécuta une série de toiles remarquables. À l’automne, il organisa une exposition, sa première, qui eut un vif succès. Chose incroyable, il vendit trente-deux tableaux. Alice collait dans un cahier les articles de journaux ayant trait à ce début officiel de son artiste.

Le jeune homme songeait à retourner à Paris. Alice aurait aimé l’accompagner, mais elle savait qu’elle serait de trop. Elle aimait les œuvres de son ami, mais toute cette peinture étrangère qu’il allait voir, la fatiguerait sûrement, Puis, il ne parlait pas de l’amener. Il partit et elle resta.

Alors, le destin mêla de nouveau les cartes.

Sur le navire qui le conduisait là-bas, il rencontra une jeune fille de son âge accompagnée de sa mère. Ils causèrent comme on cause entre compagnons de voyage, mais elle qui avait vu ses tableaux, qui en avait même acheté un lors de l’exposition et qui admirait immensément son talent, s’éprit aussi de l’homme. Et lui fut charmé, séduit par cette jeune fille jolie, intelligente, distinguée, cultivée, qui comprenait si bien son art et qui lui témoignait une sympathie naturelle, exempte de toute comédie.

Pendant des jours, ils se promenèrent tous les deux dans Paris. La mère était tolérante, et reconnaissait que l’artiste était un brave et excellent garçon. Les deux jeunes gens admiraient les mêmes choses, ils comprenaient les œuvres d’art de la même façon, elles leur donnaient la même émotion.