Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Je vois bien que vous m’aimez, mais que voulez-vous, je vais entrer au couvent.

— Et moi, que vais-je devenir ? demanda-t-il atterré.

Sa détresse était immense, pitoyable. Toute la tristesse de la vie était dans la pièce où il se trouvait, dans cette maison où ils s’étaient rencontrés, connus.

Un lourd silence pesa sur eux.

— Vous allez m’oublier, répondit-elle enfin d’une voix très basse et très douce.

— Cela, jamais !

Mais, au moment de la perdre, il se révolta contre le destin et une fois de plus, il lui dit son amour, un amour qui était entré en lui en la voyant, un amour que rien que la mort pourrait effacer. Il parlait, il parlait. Il lui disait la vie qu’ils feraient, le bonheur qu’ils goûteraient si elle consentait à l’épouser. Mais les mots brûlants, les mots qui font vibrer les femmes, qui leur vont au cœur, tombaient sur elle sans la toucher, car elle avait décidé de se faire religieuse. La tête inclinée, elle écoutait les protestations, les promesses, les supplications du jeune homme.

— Je vais entrer au couvent, disait-elle de sa petite voix si douce, lorsqu’il faisait une pause. Ma vie n’est pas dans le monde, répétait-elle avec une douceur obstinée. Il comprit que sa cause était perdue.

— Adieu, dit-il.

Et le désespoir dans l’âme, d’un effort suprême, la tête lourde, d’un pas pesant, il s’arracha de cette maison où il avait connu tant de joie, où il avait fait de si beaux rêves.

Le même soir, Mariette annonça à ses parents qu’elle allait partir pour le couvent. Elle ne leur en avait pas encore parlé. Le père resta impassible, mais la mère décla-