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LES REVENANTES


Comme elle arrivait chez elle un soir d’août vers onze heures, après avoir passé la veillée chez une amie, Antoinette Denault aperçut trois hommes qui sortaient précipitamment de la cour de la maison en dissimulant quelqu’objet sous leurs habits. Effrayée, Antoinette se rangea au bord du trottoir, le long de la clôture, pour les laisser passer. Il faisait si noir qu’elle ne pouvait distinguer leurs figures ; elle avait même si peur qu’elle n’osa les regarder et encore moins crier bien qu’elle l’eût voulu. Lorsque les trois individus eurent disparu dans les ténèbres, Antoinette entra chez elle et, tout énervée, raconta à sa mère ce qu’elle avait vu.

— Ils ont dû voler quelque chose, déclara celle-ci.

— Ils ont sûrement volé quelque chose, approuva Antoinette.

Il se fit une pause puis Mme Denault demanda :

— Tu n’as pas reconnu ton père ? Tu ne sais pas s’il était dans le lot ?

— Je n’ai reconnu personne, répondit Antoinette.

Mme Denault sortit un moment de la pièce, se dirigeant vers l’arrière de la maison, là où était la chambre de son mari. Comme elle le prévoyait, il était absent. Sa conviction fut vite établie.

— Oui, ils ont volé quelque chose, mais quoi ? se demandait Mme Denault.

Et les deux femmes, la mère et la fille, se tenaient là l’une devant l’autre, les mains pendantes de chaque côté d’elles, s’interrogeant du regard.

Alors, Mme Denault qui avait l’expérience de la vie et plus de