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MANDOLINE ÉPILEPTIQUE


La nuit est noire, chaude, ardente.

Par malchance, je suis obligé de retourner à la ville et, à contre cœur, je me dirige vers la petite gare tout près. Les ténèbres sont si épaisses que l’on ne distingue rien, absolument rien. Les maisons, les arbres sont noyés dans l’obscurité. Je marche à l’aveuglette et, sur le trottoir en ciment, j’écrase de petites grenouilles.

L’air est lourd, brûlant ; c’est comme s’il y avait là tout près, des bouches de calorifères. Un malaise m’accable comme un vêtement humide.

Comme j’arrive à la station, j’entends des sons saccadés, stridents, criant la passion, la démence. Ce sont des notes dures, drues, trépidantes, épileptiques, ardentes comme la nuit, furieuses comme un appel des sexes. Par moment, cela ressemble à un miaulement de chat, à un hurlement de chien, à un coassement de grenouille. C’est simplement un tzigane du cru qui torture sa mandoline. Les habitués de la gare et les voyageurs qui attendent le train, sont là groupés, tassés autour de lui, tout vibrants. Ils se font chatouiller le tympan par cette folle et frénétique musique.

Et le virtuose joue comme un enragé, comme un malade affligé de la danse de saint Guy. Il joue sans répit, sans relâche. J’ai l’impression que ces sons produisent sur ces hommes et ces femmes pressés les uns sur les autres le même effet que la main à rebrousse-poil sur l’échine d’un chat.

Je veux m’éloigner pour échapper à cette sérénade obsédante, à cette sérénade de cauchemar qui me fatigue, m’agace et m’exaspère. Je m’enfonce dans les chaudes ténèbres que les gros yeux verts et