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QUAND CHANTAIT LA CIGALE

Au printemps, sous la poussée des forces de la terre, la sève avait jailli des racines et était montée jusqu’aux fines branches là-haut. Comme par une suprême coquetterie, l’acacia s’était couronné de feuilles et de fleurs, mais ce dernier effort avait épuisé sa vitalité et il a succombé au mal implacable. Peu après sa floraison, il avait commencé à se dessécher. Chaque jour, il dépérissait davantage. Ces jours derniers, je le sentais à l’agonie.

Cet après-midi, lorsque je suis arrivé, l’oncle Moïse, sa hache à la main, était en train d’abattre le petit acacia qui, le jour de notre arrivée, nous avait accueilli de ses aigrettes rose pâle.

Le cœur m’a manqué, et je me suis enfui, mais en m’éloignant, j’ai entendu un sourd bruit de chute et de branches sèches qui se brisent.

Le petit acacia qui, au seuil de la vieille maison blanche, était comme le visible symbole du bonheur est mort. Il me semble que c’est comme le lumineux sourire d’une figure chère qui s’est éteint à jamais.

Et je sens en moi un deuil profond qui pleure.