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LA BEAUTÉ DE LA VIE


En me levant le dimanche matin, j’aperçois de ma chambre la rivière qui miroite au soleil.

Dehors, l’air est tout imprégné du parfum des lilas. Les oiseaux chantent dans les arbres. Dearest prépare le déjeuner. Elle a allumé son poêle avec quelques éclats de cèdre qui répandent une agréable odeur en se consumant. Cela me ramène au temps où ma mère faisait cuire son pain dans le four et que je humais avec délices la senteur des vieux piquets qui flambent.

Dearest va et vient dans sa cuisine. Ses gestes et ses mouvements me sont une joie. Je me promène sous les arbres et elle me jette un bon sourire au passage. Il fait bon vivre près d’elle. C’est une brave petite femme.

Que j’aime à lui voir étendre sa nappe sur la table !

Nous déjeunons tous les deux, simplement de gruau avec de la crème, de compote de rhubarbe, de miel et de quelques tranches de pain. Dans nos tasses, le café répand son arôme si prenant. Au milieu de la table, un gros bouquet de lilas réjouit les yeux et le cœur. Je le regarde, puis je regarde Dearest et je goûte toute la beauté de vivre.

Blond comme un rayon de soleil, Pierre descend de son grenier où il a dormi, vient s’asseoir sur les genoux de sa mère, l’embrasse et lui fait mille caresses.

Dehors, l’oncle Moïse assis sur une pile de caisses de bardeaux et les pieds sur un tas de planches, chauffe ses soixante-cinq ans et ses deux cents livres au soleil.

La silhouette noire de tante Eulalie qui revient de la messe basse apparaît un instant à nos yeux et disparaît.