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LA MAISON ANCESTRALE


Je reviens cette année encore passer l’été à la demeure des aïeux maternels.

Ils sont morts depuis longtemps, mais leur vieille petite maison blanche au bord de la rivière Chateauguay est toujours là. Les pommiers qu’ils ont plantés, m’accueillent de leur parfum à mon arrivée et les grands liards sous lesquels ils se sont reposés le soir, après leur travail, et les jours de dimanche, m’accorderont leur bienveillant ombrage.

J’arrive ici le jour de la procession de la fête-Dieu. Il pleut à torrents. Assis avec Dearest sur l’étroite véranda, j’écoute tomber la pluie sur le toit. Elle ruisselle sur le vert feuillage des arbres et sur le gazon. Elle inonde la route ; elle éclabousse la surface jaune sale de la rivière. Quel déluge !

Par moments, les longs rameaux des ormes s’agitent, agacés de se faire arroser de la sorte et se secouent, comme pour se débarrasser de toute cette eau qui les alourdit.

Les heures passent et l’averse continue.

Mais je regarde Dearest assise près de moi, je regarde les hautes touffes de lilas en fleurs, près du perron et, malgré le temps gris et la pluie qui tombe, je me sens heureux.

L’inondation continue le lendemain.

C’est un ruissellement sur la campagne.

Mais, jamais, je n’ai vu les pommiers aussi fleuris. Les branches sont couvertes de fleurs roses et blanches, d’un parfum délicat, délicieusement grisant. Au milieu des vergers, les maisons forment des retraites enchanteresses. Et le long de la route, les lilas embau-