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— Je suis très heureux de vous rencontrer, dis-je, car, de tous les écrivains de France, il n’y en a aucun avec qui je suis en aussi grande sympathie qu’avec vous, aucun qu’il m’aurait fait autant plaisir de trouver ici.

J’avoue qu’après cela, l’intérêt du combat de boxe auquel j’assistais en qualité de chroniqueur sportif, diminua considérablement. Après la soirée, Zo d’Axa m’offrit un exemplaire de ses Feuilles.

Le visiteur passa tout l’été et une partie de l’automne à Montréal. Il était l’hôte du Dr de Martigny qui l’amena à son camp des Laurentides où Zo d’Axa écrivit des Feuillets de route qu’il fit paraître dans la Patrie et qui révélèrent au public canadien l’un des grands écrivains français de l’époque. Ces pages, si elles étaient réunies, formeraient un bien intéressant cahier. Peut-être un fervent de l’art s’avisera-t-il un jour de les exhumer et de les offrir aux amis des lettres.

Puis, Zo d’Axa nous quitta. Venu par l’Atlantique, il s’en retourna par le Pacifique, faisant lentement le tour du monde. Il n’était pas pressé. Il vivait sur les routes de la terre.

Depuis longtemps, je n’avais pas eu de nouvelles du grand pamphlétaire, lorsqu’en 1918, désirant lui envoyer un petit roman, je lui écrivis à son adresse de Paris pour savoir s’il était toujours là. Quelques mois après, je reçus la lettre suivante que je ne relis jamais sans émotion :

16 février 1919.
Non, mon cher Laberge, je ne suis pas mort, du moins pour vous… Mais, tous ces ans, je n’ai fait que promener mon silence sous de divers climats, et ne suis plus parisien du tout. Peut-être ainsi, loin des troupeaux enragés ou trop résignés, comprend-t-on mieux la nature, seule constante et belle et révélatrice ; parfois on parle à des hommes. Il y en a peu. À peine moins depuis qu’on en a tué beaucoup. J’en aime un petit nombre et j’aurais plaisir à vous lire, à vous retrouver. J’ai tellement l’horreur d’écrire, tellement la sensation de la vanité des paroles lointaines, que je profite de ce jour rare pour vous charger de dire à Adelstan simplement ma pensée vivace. Amitiés et souvenir à quelques-uns — car un joli souvenir me reste.
Je suis à vous,
50 Voie des Bancs, Argenteuil, Seine et Oise. D’AXA.