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LE DESTIN DES HOMMES

petite vie, elle mènerait une existence pauvre et médiocre, à nettoyer, à moucher un tas de petits morveux. C’était là une calamité sans nom, l’effondrement de tous ses rêves.

M. Lionel Desbiens lui avait dit un soir qu’elle avait les yeux couleur des iris dans le jardin de son oncle. Son mari, est-ce qu’il savait seulement la couleur de ses prunelles ? Lui, il ne pensait qu’à la satisfaction de son instinct. Apprécier le charme féminin n’était pas dans sa nature. À cette heure, Lucienne entrevoyait son lot : la couchette, préparer la nourriture, laver des sous-vêtements et des chaussettes sales et n’arracher que de peine et de misère une pièce de vingt-cinq ou cinquante sous à son conjoint. Elle était furieuse.

Alors, la face mauvaise, la bouche amère, le poing fermé, elle s’écria d’une voix rageuse et chargée de rancune : Maudit Robillard !