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LE DESTIN DES HOMMES

ce montant, Urgel se disait qu’il acquerrait l’expérience.

Le programme comprenait cinq tours : un arraché, un dévissé, un développé, soulever une barre à sphères à hauteur des genoux et lever une plateforme sur le dos. Chaque athlète avait droit à trois essais par tour.

Le soir du concours, la salle du Parc Sohmer était bondée. Onze concurrents étaient en lice. Urgel fit bonne figure jusqu’au dernier numéro qui consistait à lever sur les reins. Là, il ne s’agissait pas seulement de force mais aussi d’adresse pour maintenir la plateforme en équilibre. Urgel échoua complètement de même que quatre autres figurants. Pour l’arraché cependant, il s’était classé bon troisième. Il finit cinquième dans le concours qui se termina à 2h. 30 du matin. Il gagnait $25. À quelque temps de là, Urgel apprit qu’un homme fort des États-Unis figurerait au programme d’un théâtre de variétés de la ville. Pour rien au monde, il aurait voulu manquer ce spectacle. Lorsque le Samson parut sur la scène, il portait une espèce de tunique en peau de léopard qui laissait voir les muscles de ses bras, de ses épaules et d’une partie du torse. À la vue de ce costume, Urgel tomba en admiration. Il ne pouvait imaginer rien de plus beau et il se promit ce soir-là qu’il en aurait un semblable un jour pour accomplir lui aussi des tours de force en public. Et il fut séduit par l’élégance et l’aisance apparente avec lesquelles l’étranger levait ses poids.

Chaque jour et chaque soir, Urgel songeait à la merveilleuse tunique en peau de léopard. C’était devenu chez lui une véritable obsession. Il lui fallait une peau de léopard. Certes, il travaillait dur et il recevait un maigre salaire, mais il voulait avoir une tunique en peau de léopard comme il en avait vu une à l’américain. Il était comme ces petites ouvrières qui gagnent dix piastres par semaine et