Latour fut très longtemps avant de reprendre son équilibre moral tellement la mort de Bayard l’avait affecté.
La femme avait cru que la disparition de la bête qu’elle avait empoisonnée lui apporterait un soulagement, mais ce n’était là qu’un espoir illusoire. On peut même dire que la situation avait empiré. Latour avait en effet reporté sur Capitaine toutes ses attentions, toutes ses joies. Lui qui s’était toujours montré d’une grande froideur envers sa compagne, donnait à son vieux chien des démonstrations d’affection comme il ne lui en avait jamais témoigné à elle. Ça, c’était vexant, humiliant pour une femme. Le soir, avant d’aller se coucher, il serrait la patte de Capitaine en lui souhaitant une bonne nuit. Et lorsqu’il dormait, si le vieux chien demandait à sortir, l’homme se levait sans hésitation afin de lui ouvrir la porte. En une circonstance alors que la bête était malade, il avait laissé son lit sept fois pour lui permettre d’aller au dehors. Parfois cependant, l’animal au lieu d’attirer l’attention de son maître pour aller à l’extérieur, prenait d’autre moyens. Une fois, il avait rongé avec ses griffes tout le bas de la porte. Ce qui avait mis Amanda en furie.
« Il vieillit », déclarait tristement l’homme assis près de la table, dans la cuisine, en regardant son chien, pendant que de grosses larmes coulaient de ses yeux et descendaient sur ses joues ridées, couvertes d’une barbe blanche de trois jours.
Croyant son ami malade, Latour faisait venir le vétérinaire, mais celui-ci après avoir examiné la bête, levait les deux mains en l’air d’un geste d’impuissance et déclarait que c’était l’âge, une maladie incurable. L’âge et la débilité qui en résulte. « Le seul remède à lui donner », dit-il, « ce sont les bons soins. » Désireux de faire tout son possible