Immanquablement, les nouvelles du petit village franchissent le seuil du magasin de la veuve Rendon et elles se répandent et circulent ensuite dans toutes les familles. C’est ainsi que l’on a appris que Pauline Gendron, la femme du charpentier Gendron, mère de quatre jeunes enfants et qui est gravement malade depuis plus de deux mois, a fait demander dernièrement Léonie Marsan, fille de sa deuxième voisine, pour un entretien important.
Alors la jeune fille est accourue.
— Écoutez-moi bien, Léonie, dit-elle. J’ai quelque chose de grave, de très important à vous demander. Réfléchissez bien avant de me répondre, avant de refuser. Je voudrais tant avoir une réponse favorable.
— Et qu’est-ce que c’est ? interroge Léonie, toute troublée par ce préambule.
— Bien, vous savez que je suis très malade. Je sens que je vais mourir. Alors, je songe à mes pauvres enfants. Je ne voudrais pas qu’ils tombent entre les mains d’une belle-mère qui les maltraiterait. Vous savez ce que c’est qu’une belle-mère. Ce nom seul me fait mal au cœur. Cette pensée-là aide à me faire mourir. Alors, j’ai pensé à vous. Je me dis que si mon mari vous épousait après ma mort, mes enfants seraient protégés. Je suis certaine qu’ils seraient bien traités, qu’ils n’auraient jamais de misère avec vous. Accepteriez-vous d’épouser mon mari et de prendre charge de mes enfants ?
Épuisée d’avoir tant parlé, la malade se tut.
Léonie qui a vingt-deux ans, restait songeuse, ne voulant pas désespérer la pauvre femme. En elle-même, elle se disait : « Je prendrais bien les quatre petits, mais je ne voudrais jamais du mari. »
— Dites donc oui afin que je meure en paix.