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LE DESTIN DES HOMMES

— Exactement, répondit Massé. Nos lettres prenaient juste huit jours pour faire la traversée et nous être livrées. À cause du congé de fête, elles ont dû arriver un jour en retard.

— Et nous n’étions plus là pour les recevoir.

Les deux amoureux de jadis se regardaient en face, songeant comme le sort avait changé leur vie.

— Lorsque j’ai quitté l’hôpital, huit autres gardes m’ont suivie, raconta Isobel Brophy. J’avais quelques économies et j’avais proposé à l’une d’elles de nous rendre en Amérique où j’étais certaine que nous trouverions de l’emploi. Nous sommes parties. De New York, je me suis rendue à Formont, mais vous étiez disparu. Je suis allé à Boston où j’ai travaillé dans un hôpital pendant deux ans. Je pensais toujours à vous puis j’ai compris que je ne vous reverrais jamais. Alors, je me suis mariée.

— Puis, comment le sort vous a-t-il traitée ?

— Ah ! vous connaissez la vie. Tout n’est jamais comme on le voudrait. Mais ça aurait pu être mieux et ça aurait pu être pire aussi. Ni heureuse, ni malheureuse. Vous, vous vous êtes marié aussi ?

— Oui et j’ai commis une grande erreur. Ma femme est morte.

— Vous n’avez pas été heureux ?

Massé poussa un long soupir.

— Non, prononça-t-il d’un ton amer. Malheureux au possible. Et chaque jour, je pensais à vous et je me disais que ça aurait été si différent avec vous. Je m’imaginais que nous aurions connu le bonheur parfait.

Elle sourit.

— Le bonheur parfait se rencontre bien rarement, déclara-t-elle. Maintenant, vous êtes seul ?