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LE DESTIN DES HOMMES

rent un fils qu’ils nommèrent Victor, comme son grand-père. Cet événement ne changea en rien l’humeur de la jeune femme.

Traversant un jour un grand magasin à rayons, Massé aperçut un ravissant kimono en soie bleue fleurie de grosses roses qui paraissaient embaumer. Tout de suite, il pensa à sa femme. En imagination, il la voyait enveloppée de ce vêtement, le soir, dans leur living room. Nul doute qu’il ferait plaisir à sa compagne en le lui offrant.

Il acheta donc le kimono objet de son admiration, l’apporta avec lui et, en rentrant à la maison pour le souper, remit le colis à sa femme. D’un air soupçonneux elle ouvrit la boîte, prit le vêtement, le déplia, le tint trois secondes devant elle au bout des bras.

— Que veux-tu que je fasse de ça ? demanda-t-elle d’un ton colère. C’est bon pour les actrices de cinéma à Hollywood, pas pour une femme comme moi. Tiens, donne-le à qui tu voudras.

Et ce disant, elle lui lança le beau kimono de soie bleue sur laquelle de grosses roses donnaient l’illusion d’embaumer la pièce.

C’était ainsi qu’elle était.

Un soir qu’elle se sentait malade et s’était mise au lit à bonne heure, il eut l’idée de lui préparer un café noir, espérant que ce breuvage la soulagerait un peu. Tenant sa tasse encore fumante, il entra dans la chambre où reposait sa compagne.

— Tiens, prends ça, dit-il, ça te fera du bien.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Mais, tu vois. Un café noir.

— Ah oui, du café noir dans lequel tu as mis du poison. Espèce de Crippen, tu veux m’empoisonner, te débarrasser de moi. Bien je ne le prendrai pas.