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LE DESTIN DES HOMMES

laisser aux messages le temps de se rendre. Malgré cela, son impatience était grande. Deux semaines, trois semaines s’écoulèrent et rien encore. Cela dépassait son entendement et il était non seulement extrêmement désappointé, mais anxieux, inquiet. Son amie était-elle subitement tombée malade ? N’avait-elle pas été comme lui victime d’un accident ? Il écrivit de nouveau, donnant son adresse à Rochester. Même silence. À une semaine d’intervalle il écrivit deux autres lettres. Aucune réponse ne vint. Plus déterminé que jamais à épouser Isobel Brophy il se confia à son ami et patron Frank Fagan, lui disant qu’il songeait à traverser en Angleterre pour rejoindre son amie et l’amener au pays avec lui.

— Fais comme tu l’entends. Pars et bonne chance, lui répondit-il.

Philémon Massé retourna donc à Londres et courut à l’hôpital. Là, on l’informa que garde Brophy avait donné sa démission et était partie. On ne pouvait lui donner aucun autre renseignement. Tout simplement elle était partie. On ne savait rien de plus. Massé eut beau s’informer, interroger d’autres gardes et le médecin qui l’avait traité lors de son accident, personne ne pouvait lui donner la moindre information. Il n’y avait rien à faire. Amèrement déçu, il dut prendre le chemin du retour.

Sur le navire qui le ramenait en Amérique, le hasard lui donna comme voisine sur les chaises du pont une jeune anglaise, Eileen Forrester, qui attira rapidement son attention. C’était vêtue d’une simple robe de soie noire, une grande rousse aux yeux verdâtres surmontés de longs cils. En réalité une ravissante jeune fille aux formes opulentes, âgée d’environ vingt-quatre ans. Elle s’en allait rejoindre sa sœur mariée à un télégraphiste, à New York.