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LE DESTIN DES HOMMES

ceptible, dans le corridor et qu’elle ouvrait la porte de sa chambre, il lui souriait et elle lui disait bonjour, lui demandait comment il avait passé la nuit. À la voir, il se sentait réconforté, encouragé. Et ainsi, sans s’en rendre compte, il fut pris pour elle d’un profond attachement. Son nom était garde Brophy. Elle était née et avait été élevée à Londres. Son père était mort, mais sa mère vivait encore et demeurait chez son autre fille mariée. Il y avait maintenant quatre ans qu’elle était dans cet hôpital.

Les jours s’écoulaient lentement et la fracture de la jambe guérissait sûrement. Dans une couple de semaines, Massé pourrait marcher. Cette pensée le réjouissait, mais il savait qu’il aurait regret de se séparer de cette jeune fille dont il s’était épris. Il ne pouvait faire de plans pour l’avenir, car il n’était qu’un petit agent d’immeubles dans une localité où il faisait peu d’affaires, juste assez pour vivre. De retour au pays, il verrait toutefois à améliorer sa situation, mais, pour le moment, il n’avait pas de perspectives encourageantes. Aussi était-il réservé dans ses entretiens avec garde Brophy, Isobel de son petit nom. Le jour de son départ il lui dit toutefois : « J’ai beaucoup pensé à vous ; je penserai souvent à vous. On ne sait pas ce que la vie nous réserve, mais je vous reverrai. En attendant, je vous écrirai. Vous permettez que je vous écrive, n’est-ce pas ? »

— Oui, je recevrai vos lettres avec plaisir, répondit-elle, plus émue qu’elle voulait le paraître.

— Et vous y répondrez ?

— Mais sûrement, assura-t-elle d’un ton sérieux.

Il lui serra la main.

— Je ne vous dis pas adieu, fit-il en regardant la blonde figure fleurie de deux yeux bleus.

Il s’en alla.