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LE DESTIN DES HOMMES

aratoires aux fermiers de la région. N’étant nullement satisfait de son existence médiocre, il aurait voulu que son fils fît mieux que lui, pût mener une vie plus large, moins difficile et, dans ce but, alors que le garçon était âgé de dix-sept ans, il l’avait envoyé étudier à un fameux collège commercial américain, à Poughkeepsie. Le père comptait que son fils apprendrait là les meilleures méthodes modernes des affaires et qu’il pourrait s’assurer ainsi un bel avenir. Philémon passa deux ans dans cette institution. Là, il se lia d’amitié avec un jeune Américain, Frank Fagan, de Rochester. Parfois en causant, ils parlaient de leur avenir.

— Qu’est-ce que tu as l’intention de faire en partant d’ici ? demandait Fagan à son ami.

L’autre était un peu embarrassé car il n’avait pas encore sérieusement envisagé la situation.

— Oh ! moi, répondit-il après un moment de silence, j’aimerais voyager.

— Voyager ? As-tu de l’argent pour voyager ? interrogea Fagan avec un sourire amusé, car c’était déjà un garçon pratique qui savait qu’il faut de l’argent pour tout.

— Non, avoua Massé, ma famille n’est pas riche.

— Alors, il te faudra te mettre à l’œuvre et travailler. Lorsque tu auras de l’argent, tu pourras voyager.

Devant cette affirmation réaliste, Massé resta songeur.

— Et toi, fit-il à son tour, quelle carrière comptes-tu embrasser ?

— Moi, c’est entendu, je ferai comme mon père. Je serai agent d’immeubles. En réalité, je serai son associé. Il m’initiera à la besogne et je crois que je ferai très bien. Mon père est un homme d’affaires fort connu qui se fait un beau revenu. Pourquoi ne prendrais-tu pas la même ligne ? Il y a toujours des gens qui veulent vendre leur