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LE DESTIN DES HOMMES

d’une demi-douzaine environ. Il faudrait donc une série de combats éliminatoires pour régler la question. Un boxeur anglais, Bobby Jones, qui avait défait les meilleurs hommes de son pays et qui était considéré comme le champion du Royaume-Uni, mais qui, depuis deux ans, avait renoncé au pugilat pour figurer dans des pièces de cinéma, avait subitement décidé de reprendre les gants et de retourner à son ancien métier afin de concourir pour le titre. Les experts s’accordaient à reconnaître en lui le plus redoutable aspirant à la succession laissée vacante. Il vint donc en Amérique. Le hasard l’amena à Montréal. Son gérant ayant entendu parler de Brisebois et ayant appris que c’était un novice, crut que son homme aurait tout profit à le rencontrer. Réellement, il n’y avait, croyait-il, aucun risque à courir avec un débutant sans expérience aucune. Ce match serait certainement pour Jones un précieux entraînement pour les autres combats qu’il comptait livrer pour le titre. De plus, il recevrait par la même occasion un joli montant.

La signature du contrat jeta M. Lafleur dans une excitation intense. Il commençait à voir se réaliser ce qu’il avait espéré depuis qu’il avait aperçu Brisebois à la cafétéria. Son protégé ferait face au meilleur homme de l’époque, celui qui était considéré comme ayant le plus de chances de décrocher la couronne. Puis, pensait M. Lafleur, Jones ne s’était pas battu depuis plus de deux ans, il avait vécu avec les artistes de cinéma qui, comme on sait, ne sont pas des ascètes et il manquait d’entraînement. De plus, l’Anglais, sans doute, ne considérait pas Brisebois comme un adversaire dangereux, pas même comme un rival sérieux. Là était la chance du mineur, une chance unique, la plus belle qu’il rencontrerait jamais. Bien préparé, il pourrait causer une rude surprise au boxeur britannique qui, sans