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LE DESTIN DES HOMMES

M. Lafleur lui-même.

Et tous les fervents de la boxe.

Tout le monde, à commencer par M. Lafleur, était irrité du résultat du combat. Celui-ci s’en voulait d’avoir si follement agi, de ne pas avoir montré plus de jugement. Biron était très mécontent et se demandait s’il ne devait pas rompre avec M. Lafleur. Le boxeur Brisebois était furieux de l’intervention si inopportune de son gérant. Le public condamnait sans ménagement et l’arbitre et M. Lafleur. Mais c’était la famille de ce dernier qui était le plus en rage. Le fils Lafleur qui, à l’insu de son père, avait assisté à la séance et qui avait été témoin de ce qui s’était passé, demanda le lendemain au déjeuner, en feignant l’ignorance :

— Ça été un succès, hier soir ?

— Non, répondit laconiquement M. Lafleur, flairant l’ironie dans cette question.

— Mais, mon pauvre ami, veux-tu me dire pourquoi tu te mêles de faire du sport si tu ne connais pas les règlements ou si tu n’es pas capable de les observer ? interrogea Mme Lafleur en regardant son mari avec pitié. Descends donc des nuages. Tâche de comprendre que tu es sur la terre.

Il y avait de la poudre dans l’air et M. Lafleur demeura muet.

Elle revenait à la charge le lendemain.

— Réveille-toi donc une bonne fois. Sors de tes rêves Des rêves, ça ne donne pas à manger.

— Oui, mais un jour, quand mon homme sera champion, tu pourras aller dans les plus grands magasins de Montréal et de New-York et acheter tout ce qui te plaira.

Et il le croyait fermement.