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LE DESTIN DES HOMMES

tefois, il commença lentement à se remettre et le docteur déclarait qu’il guérirait sûrement. Mais voilà qu’il survient une complication. Le corps prenait du mieux mais l’esprit était dérangé. Onésime revint à la santé, mais il était devenu fou. Ça, c’était une calamité. « Le garçon est inoffensif, affirmait le docteur, mais on ne sait jamais le moment où un fou inoffensif peut devenir un fou dangereux. Dans son intérêt comme dans le vôtre, ce serait préférable de le faire interner, de l’envoyer dans un asile d’aliénés. Là, il sera bien traité et vous pourrez vivre en paix ».

La proposition ne plaisait guère au vieux mais il se rendait compte que la suggestion était pleine de bon sens.

— Et on ne lui fera pas de misères, là-bas ? interrogea-t-il.

— Vous n’avez pas d’inquiétude à avoir à ce sujet.

— C’est bon, consentit le père. Alors, préparez les papiers.

Maintenant, il s’agissait de décider le fou à faire le voyage qui devait s’effectuer par bateau jusqu’à Montréal. Deux de ses cousins prêtèrent leur appui à l’entreprise. En badinant avec lui, ils lui proposèrent d’aller faire une promenade sur le fleuve en prenant le vapeur toujours rempli de gens riches qui n’avaient qu’à aller d’une ville à l’autre, assis dans de belles grandes chaises. « Tu vas venir avec nous, lui dirent-ils. Tu vas faire un beau voyage, le plus beau de ta vie. »

Mais le fou était soupçonneux, difficile à convaincre.

— Je vais y aller, déclara-t-il soudain.

Alors, le lendemain matin, le père et les deux cousins se rendirent au quai où devait arrêter le bateau pour prendre les voyageurs. Mais là, le fou se montra rétif. Les deux cousins s’efforçaient d’entraîner Onésime. Celui-ci regardait ce grand bâtiment blanc chargé de monde mais ne