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LE DESTIN DES HOMMES

« Je leur montrerai à ces sceptiques ce que je peux accomplir », se disait M. Lafleur.

Certains jours, il avait confiance, il avait la foi, mais il avait aussi des heures de doute.

Depuis quelque temps on parlait beaucoup dans les journaux d’un boxeur de Toronto, Jack Mooney, qui avait établi un brillant record comme amateur et qu’un promoteur avait décidé à devenir professionnel. Il lui cherchait présentement un adversaire. Quelqu’un lui suggéra Brisebois à qui il fit une offre. M. Lafleur répondit qu’il était prêt à faire rencontrer son élève avec Mooney à condition que le combat ait lieu à Montréal. Le match fut conclu. La rivalité sportive entre les deux villes servit de thème à la publicité dans les journaux.

Dix mille personnes prirent place dans la salle pour voir les deux gladiateurs aux prises. Il régnait une grande effervescence parmi la foule lorsque les deux boxeurs entrèrent dans l’arène. Au son du timbre donnant le signal de commencer les hostilités, Brisebois, stimulé par son gérant, se montra résolu, agressif et porta les premiers coups ce qui eut pour effet d’intimider un peu son adversaire. La grande majorité de l’assistance encourageait Brisebois et ce dernier voyant qu’il n’était pas inférieur au gars de Toronto faisait de la bonne besogne, portant de solides coups à la figure et au corps. Le match devait être de dix rondes. À la troisième, Brisebois accula Mooney dans un coin et la foule fit entendre de délirantes clameurs. L’irlandais chancelait sous les crochets répétés que Brisebois lui décochait dans les côtes et l’on pouvait prévoir qu’il terrasserait l’étranger lorsque celui-ci lui porta un rude uppercut au menton. Au lieu de riposter, Brisebois resta comme figé et Mooney en profita pour sortir de sa posi-