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LE DESTIN DES HOMMES

car il était parti dès le matin avec une recette de plus de treize mille piastres. Comme conclusion de son article, Biron disait que si Brisebois avait pu résister pendant trois rondes à un adversaire aussi rude que Stanley, il avait une résistance pas ordinaire. Il était évident que le journaliste ne voulait pas décourager l’homme auquel il s’intéressait.

Brisebois fut plusieurs jours sans sortir, ne voulant pas s’exhiber avec le masque grotesque et tragique qu’il avait. De plus, il paraissait bien découragé, dégoûté de la boxe. Mais à cette heure de crise M. Lafleur se tint près de lui, le réconfortant, l’encourageant. Il lui expliquait qu’il avait fait face à l’un des plus redoutables boxeurs de son époque. Malgré tous ses efforts, ce dernier n’avait pu le mettre hors de combat en trois rondes. Donc il n’y avait pas lieu de désespérer.

Tout de même, il fallait faire quelque chose pour changer les idées de Brisebois.

— Pourquoi n’iriez-vous pas passer deux semaines avec notre homme dans les Laurentides ? suggéra M. Lafleur à Biron.

— Dans les Laurentides, à l’automne, en novembre ? Mais c’est lugubre ! Moi j’ai une autre idée. Tenez, je suis bon prince. Je n’ai pas encore pris mes vacances. Je vais aller à New-York et je ferai voir le Broadway à ce garçon qui a besoin de coudoyer la foule et d’avoir de vraies distractions pour oublier. D’abord, il a un peu d’argent dans ses poches et il le dépensera à s’étourdir. C’est ce qu’il lui faut.

— Biron, vous raisonnez en homme qui connaît la vie, déclara M. Lafleur.

Et le journaliste et le boxeur partirent pour New-York.