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LE DESTIN DES HOMMES

— Ce n’est pas ce que je te demande. Sers n’importe quoi, de la saucisse, par exemple. Ce n’est pas un homme difficile. C’est un mineur.

— C’est bon, on lui servira de la saucisse à ton champion. Je vais en acheter trois livres.

Débarrassé de sa tâche, M. Lafleur sortit pour se reposer un peu l’esprit.

— Ah ! mes pauvres enfants, votre vieux fou de père nous fera finir nos jours dans la misère, s’exclama la femme. Certain que si je l’avais connu dans le temps comme je le connais maintenant, je ne l’aurais jamais marié. J’aurais cent fois préféré rester vieille fille que de me mettre en ménage avec un homme qui a si peu de jugement.

Le lendemain, M. Lafleur en compagnie de Brisebois se présentait au grand journal La Voix du Peuple et demandait à voir le rédacteur du sport, Hector Biron, qu’il avait déjà rencontré en différentes occasions.

— Écoutez, Biron, dit-il, lorsqu’il fut admis dans le bureau de ce dernier, je crois que j’ai une bonne affaire en mains. J’ai rencontré le gaillard que voici, désignant Brisebois, en qui j’ai les plus grandes espérances comme boxeur. Ce n’est pas un champion, mais je crois qu’il est du bois dont on les fait. Bâti comme vous le voyez, il pourrait devenir une étoile de l’arène, une grande attraction. Il n’a jamais mis les gants, mais je vais lui faire suivre un rigoureux entraînement pour développer ses facultés, ses aptitudes et le lancer ensuite. Ce sera du travail, mais je suis convaincu qu’il y a beaucoup d’argent à faire. J’ai déjà signé un traité avec lui pour m’assurer ses services pendant trois ans avec faculté de renouveler le contrat aux mêmes conditions pour trois autres années, si la chose me convient. Maintenant, j’ai besoin de vous et de votre jour-