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LE DESTIN DES HOMMES

huit mois et à lui procurer l’entraînement voulu pour devenir boxeur. De son côté, Brisebois consentait à abandonner pendant trois ans à M. Lafleur cinquante pour cent des recettes de toutes les exhibitions qu’il pourrait donner et des combats auxquels il prendrait part.

Ces détails réglés, M. Lafleur s’occupa de trouver une pension pour son protégé. Il l’installa chez une vieille qui vivait avec sa fille séparée de son mari. Avant de se laisser, M. Lafleur invita Brisebois à venir souper à la maison, en famille, le lendemain soir.

M. Lafleur n’avait pas encore informé les siens de l’entreprise qu’il avait en tête. C’était là une tâche difficile et délicate. En effet, les lamentables fiascos qu’il avait déjà éprouvés lui avaient aliéné la confiance de sa femme et de ses enfants, qui le considéraient maintenant comme un esprit chimérique, mal équilibré et peu pratique. Désireux de faire accepter cette nouvelle aventure à sa famille, il se tortura l’esprit pendant des heures, puis il crut enfin avoir trouvé. Sachant qu’on ne prend pas les mouches avec du vinaigre, il enveloppa son projet de sucre si l’on peut dire et, le soir, au souper, d’un ton qu’il s’efforçait de rendre badin, il lança soudain en regardant sa femme puis les deux enfants :

— Comment aimeriez-vous ça avoir une jolie maison neuve à Notre-Dame-de-Grâce, à aller passer les hivers en Floride, et à avoir une belle automobile pour vous promener ?

Sa femme lui lança un regard de pitié méprisante et, d’un ton sec, agressif, riposta :

— Aurais-tu l’intention de fabriquer de faux billets de banque ?