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LE DESTIN DES HOMMES

déjà, il voulait en prendre charge, en faire un boxeur, un champion. Et alors, ce serait la renommée, la fortune. À plusieurs reprises déjà, il avait eu des idées mirobolantes qui, toutefois, avaient eu des résultats financiers désastreux. Alors, sa buanderie au lieu de progresser, d’agrandir le cadre de ses activités, avait périclité. Il était dans les dettes, mais avec le boxeur Brisebois, il en sortirait. En entrant dans son bureau, il se félicitait du hasard qui lui avait permis de le rencontrer. Il avait été retenu à son établissement par un client malcommode ; n’ayant pas eu le temps d’aller manger chez lui, il était allé casser une croûte à la cafétéria. Maintenant, il était enchanté de l’ennui qu’il avait eu.

Le reste de la journée et toute la soirée, M. Lafleur développa son idée, établit ses plans. La boxe, il connaissait ça et il avait sûrement trouvé l’homme qui, sous sa direction, non seulement se ferait un grand nom dans l’arène, mais vaincrait tous ses adversaires pour arriver au championnat. Et, en imagination, il voyait les formidables massues qu’étaient les poings du mineur. Ce qu’il fallait maintenant, c’était de lui apprendre le moyen de s’en servir.

M. Lafleur avait hâte de conclure une entente avec Brisebois et, le jour suivant, à midi précis, il était à la cafétéria. Le colosse y était déjà rendu. Le propriétaire de la buanderie La Famille exposa et expliqua ce qu’il se proposait de faire et ce qu’il attendait de celui qu’il appelait son associé. Ce dernier acquiesça sans discussions aux propositions offertes. Une fois l’accord établi, toujours à la suggestion de M. Lafleur, l’on se rendit chez un avocat qui rédigea un contrat que signèrent les deux hommes. Dans ce document, il était stipulé que M. Lafleur s’engageait à nourrir, vêtir, loger Victor Brisebois pendant dix--