Ce dernier qui venait de s’attaquer à un large bifteck tourna à demi la tête vers son interlocuteur, avec une expression interrogative.
— Je veux dire que vous avez une fortune dans ces poings-là, expliqua M. Lafleur.
— Ben, je travaille et je gagne ma vie, répondit l’homme.
— Que faites-vous ? questionna M. Lafleur.
— J’étais mineur de charbon dans la Nouvelle-Écosse, mais j’ai laissé ça pour venir ici. J’ai l’intention d’être débardeur.
— Je crois que vous pouvez faire mieux que ça, déclara M. Lafleur.
Alors, comme l’autre le regardait sans comprendre, il demanda :
— Dans les mines, vous battiez-vous quelquefois ?
— Oh ! non. J’étais bien trop fatigué pour ça. Fallait travailler dur.
M. Lafleur parut un peu désappointé.
— Dans ce cas là, vous ne savez pas vous battre ?
— Non. Je sais miner du charbon.
— Qu’est-ce que vous diriez de devenir boxeur ? Je suis certain que vous pourriez gagner beaucoup d’argent. Quel âge avez-vous ?
— Vingt-quatre ans.
— Il n’est pas trop tard. Avec ces battoirs-là, je crois que vous réussiriez à démolir les meilleurs hommes et à vous enrichir rapidement.
L’autre le regardait incrédule. Peut-être, au fond, était-il tenté, mais ce mirage de richesses lui paraissait une chose impossible à réaliser.
— Je comprends que cela vous surprenne, que dans cette aventure vous vous sentiez comme un homme égaré