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LE DESTIN DES HOMMES

de même, je suis furieux contre moi qui ne cesse de m’intéresser à cette dame.

17 décembre

La lettre anonyme d’Octave Poirier a eu son effet. Nous avons depuis ce matin un nouveau professeur qui remplace le frère Adolphus. On ne sait d’où vient cette information, mais toute la classe chuchote qu’il a été mis à la porte du collège pour conduite dérogatoire au bon renom de la communauté.

20 février

Depuis plus de deux mois je m’abstiens de passer devant la maison de la rue Saint-Denis. Je ne cherche plus à voir la dame, car si elle m’apercevait, elle me reconnaîtrait et en parlerait à papa qui doit se demander quelle affaire j’avais à me trouver à cet endroit lorsque je les ai rencontrés tous les deux. J’évite toute occasion de la revoir, mais cependant le hasard, un pur hasard, m’a de nouveau mis en leur présence à tous deux. Hier…

Le journal se terminait là abruptement. Les dernières lignes étaient brouillées. Il était évident que pour une cause ou une autre, l’on avait précipitamment fermé le cahier, sans prendre le temps de sécher l’encre fraîche avec un buvard et apparemment, on l’avait caché sous l’oreiller et l’on avait oublié de le reprendre au matin.

Agissant comme une automate, Mme Lemay remit sous l’oreiller le fatal cahier sur la couverture duquel était collé un carré de papier portant l’inscription : Journal de Simon Lemay.

La pauvre femme était comme étourdie, assommée. Cette brusque révélation la plongeait dans un abîme de