Page:Laberge - Le destin des hommes, 1950.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
LE DESTIN DES HOMMES

Et de ce moment, Mme Lemay fut véritablement la maman de ces orphelins. Avec quel contentement le matin elle préparait leur déjeuner, voyait à ce que leurs habits fussent bien propres, bien brossés, leur chaussures cirées avant de partir pour l’école, que leurs livres et leurs cahiers fussent rangés en ordre dans leur sac. « Soyez bien sages en classe », leur recommandait-elle au départ.

Les trois garçons l’adoraient. Ils aimaient bien leur père aussi. Vrai, ils en avaient eu de la chance d’être tombés dans cette maison.

Cette famille qui lui était soudain arrivée, modifia un tant soit peu les habitudes de Mme Lemay. Après le souper, elle aimait voir les enfants faire leurs devoirs de classe ; elle les faisait étudier leurs leçons, voyait à réparer les accrocs à leurs habits. Maintenant, elle n’aimait plus à sortir ; elle préférait rester avec les petits. Lorsque son mari l’invitait à aller avec lui au cinéma, elle était moins empressée qu’auparavant. Il était évident qu’elle acceptait pour lui faire plaisir. Elle n’avait pas le cœur ni l’esprit au spectacle ; elle pensait aux enfants à la maison. Puis, elle négligeait d’appeler les amis pour les inviter à venir passer une soirée chez elle, ne se décidait qu’à regret à aller rendre visite aux anciennes connaissances.

Nous évoluons avec les événements qui se produisent dans notre vie.

Pour dire la vérité, Mme Lemay était devenue casanière. Son bonheur était de rester à la maison. Lorsqu’elle s’entendait appeler maman, son cœur éprouvait une grande et douce joie, une espèce de volupté. Ah ! qu’elle était heureuse d’avoir cette famille que la Providence lui avait envoyée. Elle pensait tellement à ses enfants Mme Lemay qu’elle se négligeait un peu dans sa tenue. Elle oubliait ou se souciait peu de s’acheter de nouvelles toilettes. Toujours,