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LE DESTIN DES HOMMES

s’étaient fait jouer par les vieux commerçants l’assuraient de leur bon vouloir et lui promettaient leur coopération.

Hector était satisfait et entrevoyait de belles affaires. Mais ce fut la guerre…

Le jeune homme fut appelé sous les armes. Il fut enrôlé dans l’infanterie. Après quatre mois d’entraînement au pays, on l’envoya outre-mer.

Maintenant les deux vieux étaient seuls dans leur maison.

Avoir élevé une famille et, en peu de temps, voir partir ces enfants qui étaient la joie et la consolation des vieux jours, c’est une chose cruelle, amère, infiniment pitoyable.

Désormais, la demeure semblait vide. Elle était sombre, silencieuse et triste.

À l’heure des repas, les deux vieux se mettaient à table, mais ils mangeaient sans faim. Sans rien dire, ils regardaient les places de ceux qui étaient partis.

Ils avaient perdu toute ambition, tout espoir, tout courage. Rien ne les intéressait plus. La vieille maison semblait morte comme une lampe dont l’huile est épuisée et qui s’éteint lentement, qui meurt… La seule vie qui entrait maintenant dans la demeure des deux vieux c’était les lettres du fils soldat et de la fille religieuse. Chacune de ces lettres était, aurait-on dit, comme un peu d’huile que l’on aurait versée dans une lampe qui aurait été l’âme de cette maison, un peu d’huile qui aurait ravivé pour une heure la flamme presque éteinte. Et la lampe aurait alors dissipé l’ombre qui enveloppait cette demeure, aurait produit un rayonnement et procuré quelques minutes de contentement à ses habitants.

Les lettres, ils les lisaient tour à tour, ils les reprenaient, les relisaient pour en saisir tout le sens, toute la