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LE DESTIN DES HOMMES

de folie furieuse, l’on entendait les cris de désespoir, les clameurs de détresse, les supplications, les hurlements funèbres des femmes emprisonnées comme dans une cage de feu et incapables de s’échapper. Ce furent des minutes d’une horreur sans nom.

Finalement, quelques-uns des hommes qui avaient réussi à sortir en escaladant les hautes fenêtres, coururent chercher des instruments de démolition et, à coups de hache, brisèrent les pentures de la porte de l’église, de sorte que celle-ci put s’ouvrir, tombant sur le perron du temple. Des malheureux, grillés, brûlés, à moitié asphyxiés, se hissèrent péniblement sur l’amoncellement de corps entremêlés, entassés près de la porte et sortirent, mais plusieurs étaient si faibles qu’ils s’évanouirent après avoir fait quelques pas. Avec un bruit sinistre le toit flambant s’écrasa soudain dans la nef, ensevelissant les fidèles encore là dans un linceul de feu. Quelques instants plus tard, la cloche dégringola de sa tour avec un dernier tintement, vers le plancher et s’enfonçait dans le sol. Le désastre était complet.

Il avait fait cent sept morts.

Au nombre des victimes se trouvaient l’abbé Jean Lebau, qui avait célébré ce matin-là sa première messe, le curé de la paroisse, et le vieux chanoine, qui avait fait un voyage de neuf cents milles pour voir son neveu en cette occasion solennelle.

Presque toutes les familles de la paroisse avaient perdu un ou plusieurs membres. Les Lebau avaient été les plus cruellement éprouvés, car, outre le jeune prêtre, le père, la mère, un garçon et une fille avaient péri dans cette conflagration. On pouvait presque dire que la famille avait été anéantie, car il ne restait plus qu’une fillette, la jeune Simone restée à la maison.