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LE DESTIN DES HOMMES

lébrant gravit les degrés conduisant au chœur et s’avança vers le tabernacle à côté duquel il déposa l’ostensoir. Juste à ce moment, un geste maladroit de l’un des jeunes servants de messe renversa un cierge allumé sur la nappe de l’autel qui, instantanément, prit feu ainsi que les autres ornements. Le jeune prêtre saisit l’ostensoir déjà enveloppé de flammes, mais celles-ci s’attaquaient déjà à son surplis et à ses vêtements d’église et il se trouva aveuglé. En quelques secondes il flambait comme une torche. Péniblement, il fit quelques pas, mais ne sachant où se diriger, il tournoya puis s’abattit sans connaissance sur le parquet, tenant toujours l’ostensoir. À ce moment, toute l’église était déjà en feu. Avec une incroyable rapidité, l’incendie s’était communiqué à tout l’édifice. Il y avait un moment, c’était le Dieu d’amour répandant ses grâces, maintenant, c’était un Dieu colère vengeant des offenses à sa majesté ; il y a quelques instants, c’était le ciel et ses délices, c’était maintenant l’enfer avec ses flammes rouges, dévorantes. Toute l’église était devenue un brasier ardent.

Il se produisit alors une effroyable panique. Les assistants se précipitèrent vers la porte pour sortir, mais celle-ci, qui venait à peine d’être fermée, s’ouvrait du dehors par en dedans. Or, dans la ruée indescriptible qui s’ensuivit, la foule, comme une vague énorme, alla se heurter à la porte comme à un rocher, car elle ne pouvait s’ouvrir. Pour cela, il aurait fallu un espace libre pour permettre aux deux battants de s’écarter, mais les hommes absolument affolés, au lieu de reculer un moment, ne pouvaient que pousser. C’était là un effort inutile. Pris de démence, sentant les flammes sur eux, devant la porte qui résistait à tous leurs assauts, les gens se bousculaient, se renversaient, s’écrasaient, se piétinaient, cherchant désespérément à sortir de cette fournaise infernale. Et pendant cette scène