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LA SCOUINE

de bijoux de camelote, etc. Les campagnards faisaient groupe autour de ces peu scrupuleux industriels.

Les eaux gazeuses, le cidre et les sirops aux couleurs d’or, roses, rouges, brillaient dans les verres que les buveurs dégustaient orgueilleusement. La clientèle augmentait sans cesse. Les bouteilles luisant au soleil étaient un véritable miroir aux alouettes. Les gens entouraient la table, attendant leur tour pour boire. Les bouchons partaient avec un bruit d’explosion, ce qui contribuait encore à attirer la foule.

Un grand jeune homme vidait un verre de liqueur, à petites gorgées, en toisant les filles qui passaient. Voyant s’approcher la Scouine :

— J’vous offrirais ben quelque chose, mamzelle, dit-il, ironiquement, mais je viens de dépenser mon dernier sou.

Non loin de là, le possesseur d’une roulette, petit homme maigre, l’air malpropre avec une barbe de quinze jours, un mouchoir de filoselle noué autour du cou, s’évertuait à attirer l’attention de la foule.

— Venez faire fortune, criait-il, vous recevrez deux pour un, quatre pour un, et jusqu’à dix pour un. Essayez votre chance !

Il imprimait alors un rapide mouvement de rotation à sa machine, qui se mettait à tourner avec un bruit de crécelle. Un garçon d’une vingtaine d’années s’avança et plaça dix sous sur le rouge. Il gagna.

— Carreau rouge, trèfle noir… Ma cousine est arrivée. Venez faire fortune ! clama l’homme.

Le joueur avait laissé son argent sur le rouge. Il gagna encore. La roue continua de tourner, et le