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LA SCOUINE

champs, un autre lui passa un câble au cou et attacha l’autre extrémité au chariot. Les anglais sautèrent dans la voiture puis le chef fouetta le cheval qui partit au grand trot, traînant Deschamps derrière le char comme un animal que l’on conduit à l’abattoir. Criant à tue-tête, braillant, hurlant, vociférant, les Bleus et leur burlesque équipage parcouraient les rues, semant l’épouvante. Moulu, essoufflé, nu-tête, la figure tuméfiée et sanglante, les côtes, les jambes et les reins meurtris, Deschamps courait derrière la charrette, butant contre les pierres et écumant de rage impuissante. La voiture fit ainsi le tour du village sans que personne osât intervenir, tellement la population était terrorisée. Finalement, elle prit le chemin de la campagne. Elle fit encore un bon mille, puis comme Deschamps râlait, à moitié étouffé, le chef détacha le câble et le jeta sur l’épaule de Deschamps.

— Garde-le comme souvenir, dit-il, et s’éloigna avec ses compagnons.

Les Bleus avaient triomphé ce jour-là.