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LA SCOUINE

Ah ! il fallait faire un effort pour les avoir — à moitié prix s’entend.

— Ernest est bien mal. Il est dans le délire depuis trois jours, répondit Léa lorsque le vieux Deschamps se fut informé du malade en entrant.

— J’ai appris ça à midi, avant d’manger. Alors, j’me sus dit : Ben faut qu’j’aille voir c’pauve Ernest.

Et très intéressé en apparence, il voulut savoir le nom du médecin appelé et se fit raconter par le détail toute la maladie. Finalement, il demanda à Léa si elle avait quelqu’un pour l’aider dans les travaux du dehors.

— Il y a Alexandre Duquet, un voisin, qui vient faire le train tous les jours.

— Et tu le paies ?

— Bien sûr. Personne ne travaille pour rien.

— Dans ce cas, au lieu de dépenser ton argent, pourquoi ne vends-tu pas tes animaux ? J’t’achèterais peut-être tes vaches si me les laissais pas trop cher.

— Oh ! Ernest ne veut pas les vendre.

— Laisse donc faire. Tu vois bien qu’il est fini. Vends donc, et serre l’argent. I a pas fait d’arrangements. Alors, quand i s’ra mort, tu n’auras que ta part, tout comme tes frères, et t’auras travaillé pour rien. Profites-en à c’te heure.

— Ernest a fait son testament, répondit fermement Léa.

Alors, insinuant, l’air finaud, il lui coula à l’oreille :

— Oui ? Mais tu sais, un testament ça s’attaque, ça se casse, et si j’étais à ta place, j’vendrais tout c’que pourrais et j’me mettrais un bon magot de côté. J’te donne trois cents piastres pour tes huit