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LA SCOUINE

— I aurait teut ben moyen d’les avoir à bon compte, fit Deschamps.

— Si i est pour mourir, ben sûr que Léa les vendra à n’importe quel prix pour mettre l’argent dans sa poche, déclara la Scouine.

Et les yeux luisants de malice, elle regarda tour à tour son père, sa mère et son frère.

Depuis plusieurs années, Ernest Lecomte remportait toujours les premiers prix avec ses bestiaux aux concours agricoles. À une exposition de comté, il avait reçu une très belle offre pour son troupeau, une offre tentante. Il avait consulté son père qui était là.

— J’peux avoir huit cent piastres pour mes huit vaches, avait-il dit. J’ai envie de les laisser aller.

— Vendre tes vaches ! Mais c’est pas à faire. Si tu vends tes vaches t’auras pas d’fumier, et ane terre sans fumier, ça devient pomonique.

Et le jeune fermier avait gardé ses bêtes.

Urgèle Deschamps flairait un bon marché. Il se présentait là une occasion comme il n’en rencontrerait pas de sitôt. Aussi, bien que le froid fût très vif, il fit atteler sur la boîte carrée après le dîner et, son capuchon sur la tête, sa crémone autour du cou et bien enveloppé dans un robe de buffle, il partit pour le rang du Quatre.

Après avoir mis son cheval à l’abri, il entra un moment dans l’étable, jeter un coup d’œil. Les huit vaches étaient là bien grasses, bien propres sur leur litière de poysar, devant leur crèche de bon trèfle. De fameuses laitières, il le savait, et qui rapportaient gros par année, oui, autant que la récolte de cent arpents d’orge.