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XIII.



LES habitants ont grassement fricoté à leur retour de la messe de Noël. Certes, ils ont l’appétit robuste autant que les bras, et après le voyage à l’église, au froid, et pendant que leurs bêtes broient leur avoine, à l’écurie, eux se mettent à table et font bombance. Puis, satisfaits, repus de nourriture, ils digèrent silencieusement autour du poêle et glissent béatement au sommeil.

Et au dehors, un Vieux Pauvre à longs cheveux blancs et à barbe de prophète, traîne sur la route de neige ses lourds pieds glacés. Il avance lentement et péniblement. Le vent irrespectueux et brutal le soufflette à la figure et s’accroche aux pans de ses vêtements, comme des mains malfaisantes, ennemies, qui voudraient le retenir, l’arrêter.

Il a si longtemps erré par les campagnes, il a passé tant de nuits à la belle étoile, ou dans les granges et les étables, il a jeûné si souvent, il a eu tant de misères, qu’il a oublié les noms de ceux qui furent ses fils et qu’il ne peut se rappeler la figure de celle qui fut la compagne de sa jeunesse. Peut-être qu’il est plus âgé que les antiques maisons en pierre qui bordent le chemin.

Le Vieux Pauvre semble un mage qui chercherait en vain l’Étoile Mystérieuse qui ne luira jamais pour lui…

Il va demandant l’aumône aux âmes charitables, pour l’amour de Dieu.

Le Quêteux frappe à la porte des Deschamps.