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LA SCOUINE

était à réparer. La Scouine prétendit alors que c’était les blasphèmes du Taon qui avaient attiré les malédictions de Dieu sur la maison. Même le chien qui venait du mécréant devint suspect à ses yeux et elle résolut de s’en défaire. Son sort fut vite décidé.

Un après-midi, elle le prit et alla le jeter dans un puits en arrière de la grange. L’animal plongea, puis revint à la surface et il se mit à nager, à nager désespérément. Il faisait le tour de cette cage qui devait être son tombeau, se frôlant contre les pierres de la maçonnerie, cherchant à s’accrocher à la paroi, tournant sans relâche dans le même cercle, la tête seulement hors de l’eau, et faisant entendre des jappements plaintifs. Peu à peu, le chien nagea moins rapidement. Il s’épuisait, mais il lançait toujours son petit jappement, un jappement plein d’effroi qui disait la peur de la mort et qui semblait être un appel désespéré. Et, dans la profondeur sombre du puits, ses yeux semblaient deux étoiles, ou deux cierges à la lumière vacillante.

Pendant plus d’une heure, la voix du chien s’entendit terriblement angoissante, plus faible, plus lointaine, semblait-il, puis elle se tut.

Et les étoiles d’or s’éteignirent, glissèrent à l’abîme.

Le corps s’enfonça dans l’eau.