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LA SCOUINE

canal la saisit par les bras qu’il lui ramena derrière le dos. Il la tint ainsi immobile.

— Lâchez-moé !… lâchez-moé !… criait la Scouine, en essayant de se dégager.

Facette s’avança avec le blaireau tout savonné et l’approcha de la figure de la jeune fille.

— Lâchez-moé !… lâchez-moé !… hurla de nouveau la Scouine, en faisant un furieux effort pour s’échapper.

Elle était cependant solidement maintenue et le barbier improvisé commença à lui couvrir les joues et le menton d’une mousse blanche et tiède. Il lui en glissa dans le cou et les oreilles, et la Scouine, chatouillée, se mit à rire en poussant de petits cris.

— Tu vois bien que ça fait pas mal, dit celui qui avait eu cette inspiration.

Les deux garçons riaient aux éclats et de fait, le visage de la Scouine offrait un aspect fort réjouissant. Facette laissa là la savonnette et courut chercher un petit miroir accroché à la fenêtre.

— Comment te trouves-tu ? demanda-t-il en le tenant devant la Scouine.

— Lâchez-moé, fit-elle encore, et d’un brusque mouvement, elle s’échappa des mains des deux farceurs.

— Faut nous payer à c’te heure, déclara le gas venu pour acheter le foin.

Mais la Scouine qui s’était torché la figure avec un vieux rouleau sale, s’enfuit en toute hâte.

Toujours elle demeura muette sur cet incident, mais lorsqu’on parlait devant elle des gens du canal, elle soutenait que ce n’était qu’un tas de malappris et de polissons.