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LA SCOUINE

saisis, se demandant s’il arrivait un accident quelque part.

La Scouine arriva chez elle essoufflée, hors d’haleine.

À sa mère alarmée, elle raconta que la maîtresse lui avait donné douze coups de martinet sur chaque main. Mâço partit immédiatement. Elle arriva comme une furie et, devant tous les élèves, fit une scène terrible à l’institutrice, l’accablant de mille injures. Elle lui déclara que si elle avait dorénavant le malheur de battre ses enfants, elle aurait affaire à elle.

Le soir, dans toutes les familles du rang on ne parlait que du drame qui s’était passé à l’école. Chacun s’accordait à dire que pour avoir battu une enfant et l’avoir fait pleurer de la sorte, il fallait que la maîtresse fût un vrai bourreau.

Le samedi, l’un des commissaires alla voir Mlle Léveillé et lui dit que pareille chose ne pouvait être tolérée. Il comprenait qu’il était bon d’instruire les enfants, qu’on pouvait les réprimander, les punir même, mais non les tuer de coups. Il ajouta que tous les parents révoltés demandaient sa démission.

Le dimanche, avant la messe, l’institutrice alla voir le curé et lui raconta les faits, tels qu’ils étaient arrivés. Patiemment, le prêtre l’écouta jusqu’au bout. Il parut reconnaître que la justice était de son côté, mais lorsque Mlle Léveillé lui demanda d’intervenir auprès des commissaires, il déclara que malgré son vif désir de lui être utile, il ne pouvait se mêler de cette affaire, car ce serait un abus d’autorité. La commission scolaire devait être laissée libre d’agir à sa guise.

Mlle Léveillé, la petite demoiselle blonde et