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LA SCOUINE

avoir perdu leur catéchisme. Les choses se gâtaient. Mlle Léveillé crut qu’il fallait sévir. Elle envoya les trois coupables étudier à genoux. Une fois de plus, elle appela la Scouine devant elle et l’interrogea sur la grammaire.

— C’est pas dans mon livre.

— Tant pis alors. C’est fini de badiner. Tendez la main.

Et la petite demoiselle blonde saisit son martinet.

À cet ordre, la Scouine se mit à crier et à gémir comme si on l’eût martyrisée.

— Tendez la main, commanda la maîtresse.

La Scouine, une expression d’épouvante sur la figure, présenta le bout des doigts, le poignet collé contre la cuisse. Ses genoux tremblaient. Lorsqu’elle vit venir le coup, elle retira le bras et la lanière de cuir ne rencontra que le vide.

— Tendez la main, clama la maîtresse.

La Scouine se tordit, redoublant ses cris de détresse. C’était une plainte aiguë qui s’envolait par les fenêtres. Une voiture passant sur la route s’arrêta et, chez le voisin, la mère Leduc qui faisait cuire sa soupe, sortit sur son perron.

Au troisième coup, la Scouine s’élança hors de la maison, jetant des cris encore plus perçants. Elle s’enfuit en faisant entendre des lamentations terrifiantes. Elle hurlait comme si on eût cherché à l’assassiner.

La fille à Mâço courait de toutes ses forces, levant les talons jusqu’aux fesses et s’éloignant avec des cris de cochon que l’on saigne. Les femmes accouraient sur le pas de leur porte et les hommes travaillant aux champs tournaient la tête, s’arrêtaient