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LA SCOUINE

La Scouine n’ouvrit pas la bouche.

Mlle Léveillé répéta son interrogation.

De nouveau, la Scouine resta muette.

Croyant à un défaut de mémoire ou peut-être à une grande timidité et ne voulant pas se montrer trop stricte au début, Mlle Léveillé lui donna les premiers mots pour l’aider, mais la Scouine n’articula pas une parole.

— Mais vous n’avez donc pas étudié ? interrogea la maîtresse devant cet obstiné mutisme.

— C’est pas dans mon livre.

— Pas dans votre livre ! Montrez.

La Scouine lui tendit sa grammaire, une vieille grammaire ayant appartenu à ses frères. La première feuille manquait en effet.

Mlle Léveillé regarda longuement l’enfant, mais il n’y avait rien à lire sur cette figure.

— Eh bien, pour demain alors, vous apprendrez les deux réponses sur cette page-ci, déclara Mlle Léveillé.

À l’appel de son nom, le mercredi, la Scouine s’avança devant le pupitre de l’institutrice.

— Comment forme-t-on le pluriel dans les noms ? interrogea la petite demoiselle blonde.

La Scouine, sans ouvrir la bouche tournait le coin de son tablier bleu à carreaux, entre le pouce et l’index de sa main droite, en regardant le plancher.

— Comment forme-t-on le pluriel dans les noms ? questionna de nouveau la maîtresse d’un ton plus bref.

— C’est pas dans mon livre.

— Comment, pas dans votre livre ?

D’elle-même, la Scouine le tendit à Mlle  Lé-