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LA SCOUINE

che, des branches fleuries de pruniers, placées dans des vases en porcelaine, de chaque côté d’une statuette de la Vierge, répandaient un délicat parfum. On aurait cru qu’un vol de séraphins venant des jardins célestes avait passé par là. Des cierges allumés, à la flamme blanche et douce, créaient une atmosphère religieuse, impressionnaient ces jeunes âmes. Eugénie entra sur le bout du pied comme dans une chambre mortuaire.

Les élèves agenouillés au hasard, mangeaient les réponses des litanies. De sa petite voix grêle, l’institutrice lançait les invocations, et les enfants répondaient :

— Ra p’nobis, ra p’nobis, ra p’nobis.

C’était une fuite, un galop furieux :

— Ra p’nobis, ra p’nobis, ra p’nobis.

Au Souvenez-vous, on respira un peu.

Paulima se grattait obstinément un pied.

À quelques jours de là, les deux bessonnes furent témoins d’un spectacle moins édifiant. Corinne, la petite Galarneau, la plus dissipée de la classe, avait été encore plus agitée que d’habitude, et la maîtresse, à bout de patience, après lui avoir fait baiser la terre, l’avoir fait mettre à genoux, puis debout sur le banc, lui avait administré cinq coups de martinet sur chaque main.

Corinne avait pleuré pendant une heure, puis le midi étant allée dîner à la maison, à un demi arpent de l’école, s’était plainte à sa mère. Celle-ci, d’un caractère violent, était devenue furieuse et avait apostrophé l’institutrice surveillant les élèves dans la cour. Elle lui avait lancé une bordée d’injures et de menaces. Pour terminer, elle avait troussé sa jupe par derrière et, d’un large geste de mépris, avait