Page:Laberge - La Scouine, 1918.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XXXIV.



MÂÇO et ses deux enfants se sont installés dans leur petite maison. Comme à la campagne, ils s’éveillent le matin au point du jour, mais comme ils n’ont rien à faire, ils attendent encore dans leur lit jusqu’à six heures, alors que la cloche de l’hospice à la voix lente, triste et voilée, tinte mélancoliquement et les fait sortir de leur couche. Ils se lèvent en même temps que les vieux et les orphelins. Après avoir rôdé quelque temps dans l’habitation, ils se mettent à table sans faim. Ils voient les enfants jouer dans la cour sous l’œil d’une sœur et les vieillards faire quelques pas et s’asseoir sur un banc. Monotone, interminable, s’écoule la journée.

Le soir, à huit heures, la cloche sonne de nouveau et l’hospice gris s’endort. Parfois, l’une des fenêtres donnant sur le cimetière s’ouvre, une tête d’aïeule apparaît, et l’on entend une toux creuse. La nonagénaire jette un moment un long regard sur le champ du repos, sur la terre des morts qu’éclaire la lune jaune et ronde. L’ancêtre songe qu’elle partira bientôt, qu’elle quittera sa chambre, pour aller rejoindre, dans un cercueil, de l’autre côté de la clôture,