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LA SCOUINE

approchaient. Arrivés au pont de la décharge, ils traversèrent et s’arrêtèrent à côté du jardin. La Scouine vit Raclor faire du bras un geste désignant la clôture qu’elle avait rapiécée la veille. Sans hésitation aucune, Tifa se mit à l’œuvre. De sa hache, il frappait à grands coups, déclouant les planches qui volaient en éclats.

Toute excitée en face de cet acte de vandalisme, la Scouine accourut dans la cuisine.

— I ravagent le jardin, s’exclama-t-elle ; i détruisent tout. Charlot, va donc les empêcher.

Charlot se précipita en boîtant et arriva sur la véranda suivi du vieux Deschamps et de Mâço.

— Arrête ! arrête ! cria Charlot du seuil de la porte.

Raclor regarda de ce côté et éclata de rire.

— Tifa, arrête ! arrête ! hurla de nouveau Charlot, les deux poings tendus vers son frère.

Tifa frappait à coup redoublés.

— Oh, Tifa ! fit Mâço d’un ton de reproche.

— Veux-tu arrêter, ivrogne, bon-à-rien, clama une troisième fois Charlot en tapant du pied avec force.

Tifa s’arrêta en effet, puis s’élançant, traversa le chemin à la course. D’une poussée, il fit tourner la barrière du petit parterre qui grinça douloureusement sur ses gonds rouillés avec une plainte de blessée. En deux bonds, il gravit les degrés de l’escalier et dans un furieux accès de rage, se rua sur son frère.

— Maudit cassé ! et il l’assomma d’un coup terrible.

Ce fut comme si le pain sur et amer, marqué d’une croix qu’il avait mangé et digéré pendant